Acquisition d’une servitude de vue sur le fonds voisin sur la base d’un acte illicite ?
La règle est connue : on ne peut créer une vue donnant directement sur le fonds voisin sauf à respecter les distances prescrites par les articles 678 et suivants du Code Civil.
Autre règle connue : on ne peut pratiquer des travaux sur les parties communes d’un immeuble soumis au droit de la copropriété sans accord de l’assemblée générale des copropriétaires.
Si ces règles sont connues, leur régime l’est moins et est bien plus complexe que ce que la lecture des articles consacrés peut laisser présager.
En l’espèce, la Cour de Cassation devait se prononcer sur la création d’une vue dans le mur d’un immeuble soumis au régime de la copropriété par un copropriétaire, donnant directement sur le fonds voisin.
Indépendamment de la caractérisation de la faute du syndicat des copropriétaires qui n’a pas agi pour imposer au copropriétaire indélicat de remettre les lieux en l’état, question qui ne posait pas véritablement de difficulté puisque le syndicat, en s’abstenant d’agir, a participé incontestablement à la réalisation du préjudice du voisin subissant les conséquences de la création de la vue, se posait la question de savoir si l’acquisition d’une servitude de vue par prescription pouvait se fonder sur des actes irréguliers.
En effet, le copropriétaire a percé le mur de la copropriété sans accord de l’assemblée générale et sans autorisation d‘urbanisme.
Les travaux ont donc été exécutés dans des conditions irrégulières.
La Cour d’Appel a considéré que nul ne peut prescrire en vertu d'une possession s'établissant sur des actes illicites ou irréguliers, en conséquence de quoi aucune servitude de vue n’a pu être acquise par prescription puisque la création de la vue l’a été dans des conditions irrégulières.
La Cour de Cassation estime au contraire que l'absence de déclaration préalable et le défaut d'autorisation par l'assemblée générale des copropriétaires ne font pas obstacle à l'acquisition d'une servitude de vue par prescription.
En conséquence, la réalisation d’une ouverture dans un mur intégré aux parties communes sans aucune autorisation ne constitue pas un acte illicite ou irrégulier de nature à faire obstacle à la prescription acquisitive d'une servitude de vue.