L'intérêt à agir du Conseil National des Barreaux pour contester un contrat de la commande publique.
-Le Conseil national des barreaux (CNB) est un établissement d'utilité publique ayant notamment pour mission de représenter l’ensemble des avocats de France. La loi lui confie d’autres missions (unifier les règles et usages de la profession d’avocat, organiser la formation des avocats, etc.).
Le CNB a-t-il un intérêt à agir pour contester un contrat de de la commande publique ?
Le Conseil d’Etat estime que le CNB n'a pas qualité pour contester la validité d'un contrat et ce, même lorsqu’il porte sur la rédaction d'actes juridiques.
Les juges ont estimé qu’il ne suffit pas que cet organisme soit habilité par la loi à agir en justice pour assurer le respect de l'obligation de recourir à un professionnel du droit, pour admettre que les intérêts collectifs qu'il défend seraient susceptibles d'être lésés d'une façon suffisamment directe et certaine par la seule attribution d'un marché.
Le CNB n’a donc pas intérêt à contester un marché dont l’objet porte sur la rédaction d’actes juridiques, et ce alors même que la loi lui donne « qualité pour agir en justice en vue notamment d'assurer le respect de l'obligation de recourir à un professionnel du droit » …
La solution n’est pas étonnante, la même fin de non-recevoir a déjà été opposée au conseil régional de l'ordre des architectes s’agissant d’un recours contre un marché portant sur l'établissement d'études et l'exécution de travaux. Il avait été jugé que le fait que cette structure soit chargée de faire respecter l'obligation de recourir à un architecte ne suffit pas à caractériser un intérêt à agir (CE, 3 juin 2020, n° 426932).
Cette solution est néanmoins insatisfaisante et semble guidée par la volonté d’asseoir une politique jurisprudentielle : il apparait en effet artificiel de considérer qu’un organisme professionnel puisse agir en justice pour assurer le respect de certains principes, et dans le même temps lui refuser le droit de contester la passation d’un contrat dont l’objet viole frontalement le contenu desdits principes.
Cette casuistique intellectuelle conduit à refuser au CNB la possibilité de traquer les braconniers du droit qui exercent de manière illégale une activité juridique, alors même qu’il est objectivement le mieux placé pour le faire (autant juridiquement que matériellement).
CE, 20 juill. 2021, n° 443346